La prépa
Des premiers doutes au départ, en passant par les premiers pas...
L'annonce
Vingt ans que ce projet mûrissait dans le plus grand secret. Quelques allusions, au détour d'une conversation ou d'un reportage à la télévision, émettre un souhait, envier ceux qui le font. Mais je n'avais jamais exprimé clairement qu'au fond de moi, c'était un réel désir.
Vingt ans à attendre le moment. Parce qu'à chaque étape de la vie, quelque chose nous retient: d'abord les études, le boulot, le mariage, puis l'arrivée des enfants, l'établissement d'une vie, et la vie, tout simplement. Les appréhensions aussi.
Jusqu'à ce qu'un jour, sans crier gare, le désir se fait sentir plus présent. Une évidence, comme un appel: le quotidien me ramenait sans cesse à Saint Jacques!
Vient alors le moment de l'annonce. Passés les premiers instants de surprise, il faut convaincre, expliquer le pourquoi du comment, obtenir les approbations de certains, rassurer, beaucoup, pour pouvoir enfin se préparer...
Le physique
Juillet 2014. Premiers pas...
Mes pieds ont déjà fait l'objet d'attentions : visite chez un chirurgien orthopédiste, opération d'un début d'ongle incarné, élaboration de semelles orthopédiques spécifiques.
Il me faut maintenant me lancer par monts et par vaux pour tester à la fois mes limites et les premiers matériels acquis...
Premières douleurs, premiers correctifs. Il faut adapter ma vitesse et ma façon de marcher. Il me faudra aussi par la suite tester différents types de chaussures et de chaussettes.
Beaucoup de portes entrouvertes également, celles des hôpitaux et autres cabinets médicaux, pour différents tests et radiographies diverses. Celles d'une ostéopathe aux doigts de fée, surtout, qui a su, au dernier moment, déceler mes déséquilibres et remettre de l'ordre dans la mécanique complexe de mon corps et de mes pieds en particulier !
Huit mois après, que de chemin parcouru, au propre comme au figuré.
Qui aurait pu croire qu'un jour, alors qu'à ma naissance, personne n'aurait parié un seul kopeck que je puisse aligner deux pas, je parvienne à marcher jusqu'à 45 km d'affilée ?
Les douleurs restent présentes, mais en rien comparables à celles de départ ! C'est maintenant gérable, il me faut juste apprendre à écouter mon corps et m'imposer de me reposer...
Le moral
Je ne suis pas un randonneur aguerri, et pour cause ! Mais au-delà de la préparation physique, avec les premiers pas surgissent les premiers doutes.
Je n'ai jamais "marché", je n'ai jamais bivouaqué. Au mieux, ai-je passé quelques nuits sous tente ou en dortoir commun lors de mon court passage chez les louveteaux, ou en colonie de vacances !
Alors, autant de kilomètres, tant de temps, faire face aux éléments, être confronté à la solitude, parfois aux difficultés du Chemin. Vais-je y arriver ? Ne suis-je pas fou de me lancer dans un tel projet ? Mes quelques mois de préparation suffiront-ils à effacer certaines craintes ? Et ces mêmes mois ne vont-ils pas apporter leur lot de questions?
Une certitude a posteriori : nul entrainement ne pourra jamais faire éclater toutes les incertitudes ! Seul le Chemin, les premiers jours, les premières semaines, détermineront si je serai capable d'atteindre mon but.
Le matos
Partant de rien, il me fallait tout.
Des chaussures au bonnet, en passant par le sac à dos et son contenu, il me fallait apprendre et comprendre le bien fondé de chaque chose.
Parce que la première leçon à retenir est que chaque élément fait partie d'un tout...
Des prémices de la première liste à la composition finale de mon barda, que d'heures passées à consulter différents sites internet, à discuter avec des aficionados de la rando et du Chemin en particulier, que de kilomètres parcourus à arpenter les allées des magasins de sport. Mais aussi que d'hésitations, de doutes, d'essais, de changements, avant d'arriver à optimiser au mieux ma charge et son volume. Tout en ayant comme contrainte le rapport inversement proportionnel et exponentiel poids/prix.
Il faut d'abord tenir compte de la manière d'aborder le Chemin. Quel parcours, quel type de logement, quel climat? Mes premières semaines risquent d'être froides et solitaires, les possibilités de se loger ne seront pas légion: une tente s'impose, un bon matelas de sol et un sac de couchage chaud également!
Il faut ensuite penser aux vêtements. Les conseils glanés ci et là m'apprendront la technique des 3 couches modulables: confort, chaleur, protection.
Une fois ces indispensables déterminés, il me faut aussi constituer une trousse de toilette avec mon inséparable coupe-chou, une pharmacie minimaliste, penser aux repas, et, dans une moindre mesure, aux "superflus de confort" que constituent tous les accessoires tels que couteau, réchaud, boussole, sandales, sans oublier un appareil photo, un carnet de notes, téléphone, etc. Rappelez-vous: chaque élément constitue un tout! Vous n'imaginez pas le poids cumulé de ces "superflus"!!!
Enfin, dernière chose mais non des moindres, qui devra en outre faire l'objet d'une attention toute particulière: le sac à dos! Le volume sera déterminé par tous les objets cités ci-dessus. Quant au choix de la marque et du modèle, il m'aura fallu encore des heures de consultation et d'hésitation. Car mon sac à dos le bien-nommé, je l'aurai sur le dos tous les jours ! Il se doit d'être avant tout confortable et pratique.
La dernière semaine...
Un étrange mélange d'angoisse et d'impatience m'envahit! Et des émotions à fleur de peau...
Le temps qui paraissait s'étendre de tout son long ces dernières semaines, a subitement décidé de se précipiter... Les jours passent à une vitesse folle, j'ai l'impression d'avoir encore mille et une chose à faire, encore mille détails à régler.
On me presse de questions, comme si subitement, l'échéance toute proche faisait prendre conscience de ma future absence.
Huit mois à me préparer, vérifier, contrôler, tester, lire et relire tout ce qui passait sur le sujet. Faire connaissance avec Saint Jacques le Majeur, intégrer l'esprit du Chemin, préparer mon tracé. Huit mois à expliquer, répéter, convaincre, écouter. Huit mois de rencontres, d'échanges et de partages avec les "Anciens".
Et aujourd'hui, l'impression d'avoir encore tant à apprendre, et la certitude que seul le Chemin fera de moi un pèlerin!
Je ne suis pas encore parti, mais déjà ailleurs. La simple vision de mon trajet complet sur la magnifique carte qu'on m'a si généreusement concocté me transporte déjà.
Demain, je fermerai la porte. Et finalement, la meilleure façon de marcher, n'est-elle pas de mettre un pied devant l'autre?
Et puis d'avancer...